Site de l'Université catholique de Louvain-La-Neuve (ensemble)
Jalon XX

Campus Bâtiment universitaire

La seule commune de Wallonie prête à accueillir l’université de Louvain, obligée de quitter son siège historique, fut la commune d’Ottignies. La localisation, proposée par cette commune de 2 800 habitants pour y construire un « campus universitaire », était un haut plateau agricole venteux de 900 ha, dont 200 ha de forêt, à la périphérie de la commune, et qui ne comportait pas d’autre infrastructure que d’être traversé par la Route nationale Bruxelles-Namur. 

Sous l’impulsion de son administrateur général Michel Woitrin, le conseil d’administration de l’Université catholique de Louvain décida d’acquérir le site et désigna, en novembre 1968, un groupe Urbanisme Architecture (UA) chargé de concevoir le plan directeur de l’ensemble et d’en assurer la coordination architecturale.

L’équipe de direction de ce groupe était constituée de Raymond Lemaire, historien de l’art, connu pour sa restauration du Grand Béguinage de Louvain, Jean-Pierre Blondel, enseignant à l’École d’architecture La Cambre et Pierre Laconte, précédemment directeur de cabinet du vice-gouverneur chargé de l’urbanisme de la Région de Bruxelles-Capitale, dans le cadre de la loi du 29 mars 1962, organique de l’aménagement du territoire et de l’urbanisme.

La communauté universitaire était désireuse de retrouver le cadre urbain familier de Louvain, dense et animé. La référence à Louvain ne se voulait nullement un pastiche architectural, mais la recréation d’une qualité de vie axée sur le mélange des fonctions universitaires, culturelles et commerciales, et surtout beaucoup d’espaces publics, réservés aux piétons, comme peut le voir le visiteur.

Le défi majeur à rencontrer était l’absence de financement prévu pour des infrastructures urbaines. UA décida donc de planifier l’ensemble à partir de la route Bruxelles-Namur, seule voirie existante, et de créer par étapes un axe de développement urbain à partir de ce point, avec un minimum de coûts d’infrastructure, dense, économe en espace et en énergie, à l’opposé des nouveaux campus de pays voisins, dispersés sur plusieurs centaines d’hectares. 

L’axe central de l’ensemble est destiné à permettre une croissance conjointe des activités universitaires et urbaines, dans une seule direction à partir du point de départ. À l’évidence, la ville piétonne est la plus sobre en consommation d’espace, de carburants fossiles et d’autres ressources non renouvelables, ce qui correspondait à l’objectif général du développement durable et à la recherche d’un espace de qualité environnementale et urbaine, décrits dans l’ouvrage du CERTU (Lyon).

L’axe de développement linéaire fut traduit en pratique dès la première phase du projet par la succession de places piétonnes, depuis la place du Levant (Faculté des sciences appliquées) proche de la route existante, jusqu’à la place des Sciences et ensuite la Grand-Rue, la Grand-Place et le centre sportif, sur plus de 1 km.

L’axe central incluait la gestion des ressources hydrologiques du site, élément important de la sobriété énergétique. En récoltant les eaux de pluie et d’orage, très irrégulières, vers un réservoir, traité en lac de niveau variable, on pouvait réduire fortement le diamètre de l’égout par rapport au tout-à-l’égout traditionnel, sans risque d’inondations, censées devenir de plus en plus fréquentes. En outre, ce lac artificiel permettait d’intégrer plusieurs fonctions, notamment paysagères et récréatives.

Un apport, qu’on peut qualifier de « miraculeux », au développement de la nouvelle ville fut l’accord personnel du ministre flamand des Communications Alfred Bertrand d’offrir à l’UCL une nouvelle gare souterraine, sur la seule foi du plan directeur, sans contrepartie. La construction du tunnel d’accès et de la gare souterraine et les mouvements de terre y afférents devaient, en outre, engendrer les espaces souterrains pouvant accueillir les accès routiers et le parking et ainsi réserver l’espace de surface à la promenade et à l’attractivité des commerces et des activités culturelles (notamment l’Aula Magna, le théâtre Jean Vilar et deux musées).

À présent, le projet est à la croisée des chemins. Le site dans son ensemble est devenu désirable et des choix d’aménagement s’imposent. En dehors de l’aire urbaine actuelle, le développement du parc scientifique répond à une demande soutenue. Les développements liés à la recherche universitaire devraient être réservés à l’aire actuelle de 230 ha réservés à cet effet, tandis que d’autres
développements industriels peuvent prendre place dans des espaces réservés par la ville de Wavre, la commune de Mont-Saint-Guibert et d’autres communes voisines. L’ensemble constitue un début de zone métropolitaine pouvant atteindre quelque 100 000 habitants. Louvain-la-Neuve débouche ainsi largement sur le XXIe siècle, sans pour autant renier son propos initial.

Pierre Laconte