Place des Sciences de l'UCLouvain

Jalon XX

Ce remarquable morceau de ville incarne la toute première mise en abyme de l’inédite et urgente entreprise qu’a été Louvain-la-Neuve. La grande mixité programmatique caractérise déjà la situation : une bibliothèque de deuxième et troisième cycle (est), un volume bas avec poste, librairie et administration facultaire (sud), un grand long volume pour plusieurs auditoires généraux et une bibliothèque de premier cycle (nord), un restaurant universitaire (nord-ouest) et un café polygonal (sud-ouest). Ce dernier, inspiré des cuisines médiévales de Fontevraud, articule les dernières séquences urbaines issues du centre-ville, en rôle pivot entre la place basse en dévers et l’iconique frontalité de la place des Sciences. Le célèbre principe de séparation entre piétons et voitures est aussi présent : la trame visible de 2,40 m résulte du parking sous-jacent et d’une route qui traverse l’implantation. Ce dispositif déploie des voiles en béton de 20 cm d’épaisseur, permettant une large excentricité des charges et adressant les grandes portées principales à l’inclinaison générale du site. Ce principe fort évite aussi tous les écueils d’un systématisme aveugle et offre de grandes variétés formelles. L’espace public se déploie généreusement grâce aux simples madriers jointifs qui forment les assises, sculptant topographiquement la scène et la place en creux en plancher d’azobé. Les éléments de dalle préfabriqués prolongent aussi la trame au pourtour (mieux soutenue à l’origine, par le contraste entre béton clair et terre cuite de même teinte que les toitures en tuile). Chaque édifice y déploie ses formes fortes, grâce à la liberté saisie par l’équipe d’architectes dans l’usage du béton blanc laissé brut de décoffrage (fait unique dans cette ville dédiée à la brique de Wanlin). L’imposante bibliothèque puise tantôt son langage référentiel dans les grands pignons des granges hesbignonnes, ou encore au travers de la « fonction oblique » soutenue par le brutaliste Claude Parent. Fort de ses dernières expériences (pavillon belge pour l’Expo à Osaka, restaurant universitaire du Sart-Tilman à Liège), André Jacqmain nous livre ici un véritable chef-d’œuvre.

Robert Grabczan et Kevin Versailles