Marcel Leborgne

Gilly, 1895 - Charleroi, 1958

Marcel et son frère Henri Leborgne sont deux personnalités remarquables, en marge du Mouvement moderne en Belgique. Ils réalisent, d'abord en collaboration, puis chacun à leur propre compte, une œuvre personnelle.

Si celle d'Henri, bien que tout à fait intéressante, semble fort conventionnelle, celle de Marcel se montre beaucoup plus singulière et raffinée, évoluant entre Art déco et Style international. 

Les deux architectes sont les fils de l'architecte carolorégien Hector Leborgne (1866-1949). Ils commencent tous les deux leurs études d'architecture à l'institut Saint-Luc de Tournai ; Marcel achèvera son cursus à l'institut Saint-Luc de Bruxelles. Ensemble, ils sont responsables de la reconstruction de la commune de Wijtschate, dévastée au cours de la Première Guerre mondiale. Au début des années 1920, ils y réalisent pas moins de vingt-neuf habitations, dix cafés, une école pour filles, l'église Saint-Médard (1925) et la maison de retraite (1928). Le vocabulaire néogothique de ces édifices fait place, dans leurs œuvres plus tardives, à un langage moderniste. Ils conçoivent, surtout dans les environs de Charleroi, à Loverval, une série d'habitations individuelles destinées à la bourgeoisie aisée, comme les villas Genval (1928) et Bailleux (1929). Par leur composition volumétrique complexe et leur plan centrifuge s'articulant autour d'une cage d'escalier centrale, ces constructions s'apparentent à l'œuvre de Robert Mallet-Stevens. 

Dans la gigantesque villa Dirickx, avenue Marie-Jeanne à Rhode-Saint-Genèse, qu'ils exécutent vers 1930 pour un agent de change, leur approche plus décorative se conjugue à des citations corbuséennes très explicites. Cette maison au vocabulaire dissonant est l'une des dernières créations communes des frères Leborgne. Le caractère opposé des deux architectes y est plus manifeste que dans les œuvres précédentes. En effet, Henri montre une orientation plus traditionnelle que son frère, tant dans l'écriture que dans les programmes. La villa Dirickx est également un bon exemple de ce que Marcel Leborgne définit dans l'un de ses rares écrits comme le « style de transition ». 

Dans les années 1930, son travail est l'objet d'une grande attention dans la presse spécialisée. Dans un style moderniste personnel et pondéré, il dessine les plans de diverses habitations, parmi lesquelles la villa Malter à Mariembourg (1933), la maison double Lemort à Bruxelles (1934), ainsi que la résidence et le cabinet du docteur Mattot à Charleroi (1937). La volumétrie, souvent assez recherchée dans les œuvres antérieures, évolue ici vers un élémentarisme marqué, tandis que l'attention se concentre de plus en plus sur les détails et la richesse des matériaux. 

Outre ces maisons, Marcel Leborgne réalise un certain nombre d'immeubles à appartements à Charleroi, comme l'impressionnant bâtiment abritant le commerce de pianos De Heug (1933). Parmi ses constructions les plus emblématiques figurent la maternité Reine Astrid (1938, coll. Raymond Van Hove, détruite en 1987) et la Cité de l'enfance (1938, coll. Raymond Van Hove). À cet orphelinat conçu comme une cité-jardin et comportant dix pavillons et quelques services collectifs, il ajoute encore, après la Deuxième Guerre mondiale et en collaboration avec Victor Bourgeois, onze unités. 

En 1947, Marcel Leborgne est victime d'une thrombose et est partiellement paralysé. Il se consacre de moins en moins aux projets d'architecture de son agence, mais se concentre sur les projets d'urbanisme pour le centre de Charleroi, comme l'aménagement du boulevard Tirou (coll. Joseph André), où il réalise également l'immeuble du Moulin (1948). 

Pour sa part, Henri Leborgne élabore, dans les années 1930, une série de projets plus traditionnels et moins flamboyants que ceux de son frère cadet. Sa réalisation la plus remarquable de l'après-guerre est la galerie Bernard, au centre de Charleroi. 

Iwan Strauven