Cité théâtre d'Hadès

Jalon XX

Au début des années 1980, le site du Grand-Hornu accueille un projet de cent trente-huit logements sociaux sur une surface totale de 16 800 m2. La structure de l'ensemble se compose de travées rigoureusement juxtaposées, sur six niveaux, tant dans une volumétrie en demi-cercle que dans un bâtiment nettement rectiligne. L'ensemble est réalisé de briques et de béton. L'auteur de projet, les Ateliers du Grand-Hornu, s'offre pour la circonstance le concours de l'animateur principal du Taller de Arquitectura de Barcelone, Manuel Núñez Yanowsky. D'un vocabulaire s'inspirant de Piranèse, de Boullée et de Ledoux, Núñez affirme ici un concept qui transforme l'architecture en une espèce de décor théâtral à la disposition permanente de ses utilisateurs. Aujourd'hui, face aux nombreuses vicissitudes dont ce projet fut l'objet – faillite de l'entreprise de construction en fin de chantier, mise sous tutelle du maître de l'ouvrage et rejet d'office par les locataires –, la cité Hadès a été refaçonnée afin d'offrir une multiplicité de surfaces dédiées à diverses fonctions, tels bureaux et logements mieux adaptés, mais la référence à la représentation théâtrale apparaît toujours d'emblée, tant dans les rangées de marches surdimensionnées en demi-cercle qui évoquent les sièges d'orchestre que les balcons qui rappellent les loges, devant un fond de scène (le bâtiment rectiligne), le tout englobant un espace voué aux activités communautaires. Núñez affirme ici que toutes les grandes places sont construites comme des théâtres, dont les habitants sont les spectateurs. Cette architecture postmoderniste fut le centre de débats passionnés entre les passéistes et les tenants de la rationalité moderniste – avec les sempiternelles questions tranchant sur la vision du couple commanditaire-concepteur qui, à l'époque, n'aurait pas raisonné en termes d'économie et encore moins rencontré les aspirations des futurs locataires. 

Freddy Gallez