Maison Gazon-Nelles

Jalon XX

Cette première réalisation de Bruno Albert augure de la qualité de son œuvre future : subtilité compositionnelle et approche sensible convergent en une plénitude architecturale complexe. Cette maison a impressionné les générations suivantes d'architectes ; ils y ont vu les germes d'un régionalisme critique qui a essaimé plusieurs beaux projets autour de Malmedy. La maison appartient fondamentalement au paysage, édifiée avec la pierre locale, cadrée dans le diaphragme d'une magnifique charmille typique des Fagnes battues par les vents. L'axe visuel du portail végétal distribue, d'un côté, la construction, de l'autre, le paysage ouvert. Si le volume initial est bien un volume traditionnel statique à double pente de toiture, l'opération de glissement menée sur l'axe faîtier transgresse le modèle, ouvrant des perspectives insoupçonnées. En avant- plan, quoique subordonné dans son échelle, le garage déboîté de la masse globale joue un rôle clé dans l'approche progressive de la maison. En participant au jeu des pentes de toiture inversées et des angles entaillés, il qualifie la cour d'entrée et le cheminement en arcane, érigé en véritable expérience spatiale. L'enveloppe du volume est caractérisée par l'affleure- ment des plans ; maçonnerie rugueuse, poutres de ceinture en béton brut, épais châssis de bois grisonnant et surfaces vitrées. Dans les angles, les surfaces vitrées se joignent sans châssis, renforçant l'impression d'évidement de la masse. Seules les portes d'entrée et de la terrasse s'expriment en toute logique sémantique comme un passage protégé dans l'épaisseur de l'enveloppe. La vue en plan fait apparaître la complémentarité de dièdres pleins ou vitrés ; les longs murs sont séquencés par des fentes implantées suivant les axes de composition et les perspectives visuelles. À l'intérieur, la texture expressive d'un dallage de schiste contraste avec la blancheur simple de toutes les surfaces. 

Aloys Beguin