André Godart, dans le contexte de sa ville natale, va s'imprégner autant de certains principes du modernisme que des particularismes historiques. Depuis 1970, en qualité de membre fondateur et administrateur de l'association « Sauvegarde et Avenir de Mons », il entend contribuer à la préservation de la ville ancienne et applique, dès lors, sa vision dans l'aménagement de sa propre habitation, une « réinterprétation moderniste de la tradition régionale ». Moins monumentale et plus discrète, rarement spectaculaire, si cette architecture concède à la tradition pour ses caractères essentiels (volumétrie et matériaux), elle ne se prive pourtant pas de certaines réinterprétations de détails. L'importance du respect de la tradition urbaine dans ses formes et dans sa structure, les exigences du lieu, l'importance de la matière sont les ingrédients de cette architecture contextuelle, un régionalisme personnalisé qui est ici sans doute le plus apparent.
L'architecte fait preuve d'une habileté étonnante : l'acrobatie architecturale consiste à regrouper deux habitations (XVIe-XVIIe siècle) pour n'en faire qu'une seule, en prolongeant l'ancienne très exiguë par un nouvel élément complémentaire qui introduit un jeu volumétrique fait de vides et de pleins, de creux et de saillies.
L'architecture suit ainsi les mouvements sinueux de la rue et de ses limites et, même, les exalte discrètement. Malgré les réserves de l'administration pour l'obtention de son permis, il parvient à légitimer la nécessité de l'encorbellement au deuxième étage pour exploiter les maigres possibilités offertes par cette petite parcelle (40 m² de superficie réelle).
Le jeu de briques de réemploi – en provenance de la maison démolie in situ – est revisité par des assises de briques sur chant, notamment pour le garde-corps de la terrasse. L'importance de la matière est soulignée par des corbeaux en béton et par l'arc du garage transformé en ligne polygonale. Le mélange de matériaux, le caractère fermé de la façade à rue, tout confère à donner à cette transformation à la fois un caractère médiéval et moderne.
Célébrée à l'époque dans de nombreuses revues, cette œuvre majeure reste discrète par son minimalisme et sa simplicité formelle. Pas d'effets de manches : rigueur et modestie sont de mise.
Jean Douillez
Sources |
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«Le prix d'architecture Robert Maskens 1977» dans Habiter, n° 72-73, p.64-65 |
Judith Debaste & Jean Douillez, Histoire contemporaine de l'habitation isolée, Mons, ISAM, 1985, p.192-194. |
«Un architecte et sa maison» dans Architecture & Life, janvier-février, 1984, p.4-5 |
Commune de Mons, Section contemporaine, Autorisations de bâtir (1961-1977), Archives de l'État à Mons, n° AEM.01.169/19339, Mons, 1974-1975 |
Mons, coll. Patrimoine architectural et territoires de Wallonie, Bruxelles, Mardaga, 2011 |
«Deux petites maisons. Atelier d'architecture» dans A+, n° 56, mars, 1979, p.14-15 |