Villa l'Aube
Jalon XX

Habitation unifamiliale

1902 - 1903 1902 - 1903
Réalisé

Connu principalement comme décorateur et créateur de mobilier, Gustave Serrurier (Liège, 1858-1910) est un des acteurs internationaux les plus emblématiques de l'Art nouveau. Architecte de formation, il réalise ici sa villa personnelle. Elle échappe au carcan de la parcelle urbaine et, fait exceptionnel pour l'époque, ne s'affiche pas sur la rue, mais s'oriente vers un jardin bien structuré. 

Le portail attire déjà l'attention par sa logique constructive : compression pour le bois, traction pour le métal disposé en radiant ; asymétrique, il engage le piéton à pousser le battant le plus léger. Dans les façades, la distribution et la forme des baies répondent à une logique fonctionnelle en écho avec la pièce éclairée. À l'angle sud-ouest, deux terrasses couvertes sont prises en retrait dans le volume principal. Celle de l'étage apporte de l'agrément au bureau-bibliothèque de Serrurier ; celle du rez-de-chaussée, ouvrant à la fois sur le salon et la salle à manger, forme une pièce complémentaire, en prise avec le jardin au sud, mais bien protégée à l'ouest, dès l'origine, par une paroi vitrée. 

Se présentant comme un parallélépipède homogène, abrité sous une grande bâtière à 90°, le bâtiment refuse tout le pittoresque volumétrique et les décors curvilinéaires fréquents de l'Art nouveau. Si l'on excepte la mosaïque symbolique de L'Aube (A. Donnay) qui annonce une ère nouvelle, la décoration se limite à des jeux de lignes, formés notamment par des briques émaillées bleu vif et par une polychromie franche des éléments constitutifs qui tranchent avec l'enduit blanc uniforme. 

Le plan du rez-de-chaussée est fluide, récusant les axes de symétrie obligés de l'architecture bourgeoise, offrant des pièces de dimensions raisonnables pour la vie de famille, ménageant un coin à musique et conservant suffisamment d'espace pour disposer les services domestiques sur le même niveau plutôt que de les confiner au sous-sol. 

Lors des travaux de restauration, la remise en place de certaines boiseries et la découverte de décors intérieurs peints ont justifié le classement de la villa en « Patrimoine exceptionnel de Wallonie ».

Xavier Folville

Sources
Jacques-Grégoire Watelet, L'oeuvre d'une vie : Gustave Serrurier-Bovy, Architecte et décorateur liégeois : 1858-1910, Liège, Éditions du Perron, 2000, p.184-196.
Étienne Du Mesnil du Buisson & Françoise Bigot du Mesnil du Buisson, Serrurier-Bovy. Un créateur précurseur. 1858-1910, Dijon, Éditions Faton, 2008, p.272-281.
Xavier Folville, Gustave Serrurier-Bovy. Acteur du futur, p.44-59.
Thérèse Cortembos, Liège, Liège, Mardaga, 2004