À la veille de la Seconde Guerre mondiale, cette société principalement active à Bruxelles entreprend la construction d'un des plus grands complexes de logements privés liégeois de l'entre-deux-guerres, en faisant appel à l'architecte Damman, expérimenté dans ce type de programme avec à son actif plusieurs immeubles à appartements Art déco et Beaux-Arts développés dans la capitale pour la Société immobilière de Belgique.
De prime abord, les autorités communales se montrent méfiantes, notamment à cause de l'importance du gabarit, mais, très vite, la vision immobilière développée ici convainc les plus sceptiques : un immeuble à appartements de cette catégorie, destiné aux populations aisées, participe au maintien sur le territoire communal d'une bourgeoisie qui manifeste de plus en plus son intérêt à quitter la ville et à s'installer dans l'agglomération verte. Le site choisi par l'investisseur n'est pas innocent : situé face au pont du Commerce, le bâtiment s'inscrit dans le prolongement du quartier de l'île du Commerce, haut lieu de la bourgeoisie liégeoise depuis la seconde moitié du XIXe siècle. Et en s'implantant en bordure de Meuse, entre les parcs de la Boverie et d'Avroy, la résidence offre à ses occupants une situation, un ensoleillement et une vue panoramique exceptionnels.
Les quarante-quatre appartements sont répartis en deux blocs de douze niveaux, construits sur pieux Franki et révélant une ossature composée d'hourdis en béton armé vibré (Vibronervure), isolant thermiquement et acoustiquement, dont la robustesse est vantée pour résister aux bombardements. Les logements situés du rez-de-chaussée jusqu'au huitième étage sont de taille moyenne, tandis que ceux situés aux derniers étages comptent jusqu'à douze pièces et bénéficient d'une grande terrasse extérieure. Transposition à l'horizontale de l'hôtel de maître, la plupart disposent de locaux à l'usage des domestiques qui s'articulent autour de la cuisine en façade arrière et dont les accès sont nettement distincts (ascenseur de service, escalier extérieur).
Monumental, l'immeuble se singularise par les matériaux intérieurs en marbre et en façade, par un parement en pierre de France reconstituée, qui rappelle les grands immeubles parisiens et bruxellois de la même époque.
Sébastien Charlier
Sources |
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Pierre Frankignoulle & Sébastien Charlier, «Vers une architecture verticale. Le cas de Liège» dans Les cahiers nouveaux, n° 81, mars, 2012, p.41-46. |
Julien Lanoë, «Immeuble d'appartement à Liège» dans Bâtir, n° 86, Bruxelles, janvier, 1940, p.20-21. |
Thérèse Cortembos, Liège, Liège, Mardaga, 2004 |