Portant le nom de la cathédrale disparue à la révolution, le cœur historique de Liège est longtemps connu pour son « trou », fruit de l'abandon de travaux urbanistiques entrepris par le ministère des Travaux publics et mis en œuvre par le Groupe L'Équerre – un programme routier (1964) qui se solde par la démolition de pans entiers du bâti – ainsi que d'une vaste campagne archéologique sur ce site symbolique de la fondation de la ville.
Bien que le projet initial soit remis en cause dès la fin des années 1960 par une mobilisation intellectuelle, artistique et citoyenne sans précédent – publication en 1969 du Mémorandum sur le plan particulier d'aménagement de la place Saint-Lambert et de ses abords par un collectif réclamant un concours d'idées et associant historiens, archéologues et architectes (entre autres Jean Englebert et Claude Strebelle), suivi en 1971 par la Charte d'urbanisme associant une quinzaine d'associations locales représentatives de la société civile et, enfin, appropriation fameuse en 1985 du chantier abandonné par l'exposition Place Saint-Lambert Investigations, réunissant trente-neuf artistes belges et étrangers (centre d'art contemporain Espace 251 Nord) –, il faut attendre le milieu des années 1980 pour que les autorités publiques locales décident de faire appel à un architecte coordinateur pour concevoir un nouvel aménagement qui reconstitue le tissu urbain. Sur la base d'une proposition datant de 1985, Claude Strebelle – qui vient d'être dessaisi de sa mission de coordinateur pour l'Université au Sart-Tilman – mène les négociations.
Adopté en 1988, le schéma définitif propose deux apports majeurs : l'acceptation par les multiples propriétaires fonciers publics de la mise en commun de leurs terrains, préalable indispensable à la réalisation de l'aménagement global, et un nouveau partage des espaces publics qui inverse l'emprise au sol accordée jusque-là à la route au profit des piétons. Le plan implique une redistribution et une redensification de l'espace, notamment avec la construction de l'îlot Saint-Michel. Au centre, en lieu et place du chancre, une dalle minérale ponctuée d'éléments rappelant l'ancienne cathédrale et abritant les vestiges archéologiques (Archéoforum) surplombe une gare des bus à l'air libre bordée de larges trottoirs.
Conceptuellement, l'aménagement de la place et de ses abords s'inscrit dans la lignée directe du Nouvel urbanisme et des manifestes pour la reconstruction de la ville européenne développée par Léon Krier et Maurice Culot (Déclaration de Bruxelles, 1978). À ce jour, seul l'espace pivot entre la place Saint-Lambert et celle du Marché, l'îlot Tivoli, initialement envisagé par Strebelle pour accueillir le nouveau théâtre de Liège, est en attente de définition – après différentes études (LEMA/Laboratoire d'études méthodologiques architecturales de l'Université de Liège, 2001 ; Alphaville, 2009).
Julie Hanique et Thomas Moor
Sources |
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Michel Hubin, Claude Strebelle rêves et art de construire, Waterloo, Luc Pire, 2002 |
«Homme-et-ville.net» en ligne http://www.homme-et-ville.net/, consulté le 01/01/2000 |
André Renson, À Liège, une ville retrouve... sa place, Edition du Perron, Liège, 1999 |
Pierre-Yves Desaive, «Liège : la place Saint-Lambert entre passé et présent» dans Les Nouvelles du Patrimoine, n°70, oct-nov-déc, 1996, p.14-15. |