Maison Piot
Jalon XX

Habitation unifamiliale

1904 1904 2007 2007
Réalisé

Élevée pour le directeur d'une importante usine de mécanique, cette demeure est considérée, avec les maisons Counet, comme la réalisation Art nouveau la plus aboutie de Rogister. 

L'organisation originale de la façade confère à l'entrée une monumentalité rare. La porte est placée de manière inhabituelle dans l'axe de l'oriel et une structure complexe se développe autour d'elle. Au rez-de-chaussée, une moulure irrégulière court horizontalement et fait s'imbriquer les pleins de la partie inférieure (accentués par un bossage rustique) et les vides des baies qui rythment verticalement la partie supérieure. Au sommet de la logette, curieusement sans garde-corps, un pignon vient briser l'horizontalité de la corniche en forte saillie. Il est encadré de pilastres débordants – un dispositif récurrent chez l'architecte  –  couronnés, ici, de têtes d'austères vieillards barbus. Les arcs outrepassés, dont l'effet est renforcé par le dessin des menuiseries, constituent un autre élément fréquent de son répertoire. 

Appelé maison « des Francs-Maçons », cet immeuble est remarquable par l'accumulation d'éléments décoratifs symboliques : poignées de porte figurant des serpents à tête de dragon, omniprésence du nombre trois (tiges des grilles se conjuguant par trois, cœurs percés de trois traits, etc.). La double porte en chêne évoque, quant à elle, l'Égypte ancienne avec ses sphinx ailés. L'architecte multiplie également l'un de ses motifs de prédilection : le cœur. Les vitraux et les fers forgés (grilles et ancres), où ce thème domine, contribuent à la richesse décorative de la façade, ainsi que les menuiseries et les visages de jeunes femmes sculptés dans la pierre, coiffés d'un coq et d'une chouette, symboles du jour et de la nuit. Les motifs du cœur et des trois traits se retrouvent dans les décors intérieurs (cheminées, mosaïques, plafonds, etc.). 

Pour l'agencement intérieur, se démarquant des pièces habituelles en enfilade, l'architecte organise le rez-de-chaussée autour d'un atrium surmonté d'une verrière (disparue), prolongé par la salle à manger et le grand escalier. Le hall d'entrée qu'il distribue donne également accès au vestiaire et au bureau. Le plan initial a été dénaturé.

Eva Milet

Sources
Laurence Ancion, Itinéraires Art nouveau , Namur, Institut du Patrimoine Wallon, 2006, p.130-133.
Pierre Hebbelinck, Pierre Hebbelinck, Victor Rogister, Liège, Institut d'architecture Lambert Lombard, 1980-1981