Maison Raze
Jalon XX

Habitation unifamiliale

1971 1971
Réalisé

La maison niche à l'orée d'un bois dans une clairière en ligne de crête sur la vallée. Une entité blanche, continue, émerge et se répand au gré de la topographie. Un plan en forme d'amibe articule le programme domestique suivant trois courbes de niveau. À gauche, au niveau inférieur, les techniques ; à droite, au niveau supérieur, la vie privée ; au centre, la vie commune, l'accueil. 

Le cheminement ascensionnel partant d'un banal accès élabore, en crescendo, un dispositif qui conduit inéluctablement au parvis de l'entrée, enchâssé entre les ailes du bâtiment au niveau intermédiaire. L'entrée n'est pas un hall, pas plus qu'il n'y a de couloir à proprement parler. Il s'agit plutôt d'un conduit, d'une frange lumineuse de taille variable par laquelle on transite. La tripartite classique – cuisine/salle de jeux, salle à manger, salon/coin du feu  – s'organise en éventail d'est en ouest et fusionne en un seul corps. L'espace vécu confirme le plan, qui agglutine des cellules, au développement autonome, par des liens obliques, courbes, sensuels qui, toujours, donnent à comprendre et à anticiper la séquence suivante. Intérieur et extérieur se confondent, le lieu de l'abri se dilate en terrasses couvertes aux percements similaires. 

Les terrasses renvoient au site lui-même, au fondement de l'installation. On avait presque oublié la clairière et son jardin, fragment de nature composé, véritable générateur de la mécanique spatiale. Blanc, tout est blanc, dedans et dehors. Rien de moderniste, d'abstrait : peut-être le vernaculaire des Cyclades ? Une enveloppe, tel un ruban continu, absorbe murs, toitures, cheminées, gargouilles dans une blancheur plastique, sculpturale. 

Jean Godart parle de prospections organiques. Lui-même sculpteur, admiratif du travail de Henry Moore, il voit l'espace construit comme une grande pâte à modeler en mouvement. La maquette en argile de l'avant-projet réalisée par son épouse Monique Verheggen aide à comprendre ce dont il s'agit et explicite le processus à l'œuvre. 

Passée par bon nombre d'aléas, cette maison est le fruit d'une aventure partagée entre le maître de l'ouvrage et l'architecte ; elle témoigne, une fois de plus, que le désir d'habiter – intime et non communicable – a besoin, pour prendre forme, d'une empathie réciproque, capable de fonder son dessein latent. 

Georges-Éric Lantair

Sources
«Belgium – One Family Home in Esneux » dans LECA (Argex), s.l., s.n., 1971, p.21.