Maison Mattot
Jalon XX

Habitation unifamiliale

1937 1937
Réalisé

Splendide exemple de la série des maisons de ville de l'architecte, cette commande du directeur de la maternité Reine Astrid synthétise les recherches organisationnelles et les références chères à Leborgne dans les années 1930. Implanté sur une parcelle traversante en chevron, l'édifice se divise en deux parties. Celle d'apparat, face au boulevard Dewandre, rassemble les pièces de jour et de travail et celle de nuit donne sur le boulevard Joseph II. Le rez-de-chaussée accueille ainsi l'activité de gynécologue du commanditaire, rassemblant une salle d'attente et une salle de consultation du côté noble, un garage et une cuisine de l'autre. Compartimenté au niveau bas, l'espace devient fluide une fois l'escalier gravi. Basé sur les principes « wrightiens » de réduction maximale du nombre de pièces et tendant vers le plan libre, l'architecte se sert de l'angle du terrain pour marquer une rupture visuelle entre le living, la chambre et sa salle de bains, sans aucun mur. Générant ainsi un espace de liberté affranchi du principe d'intimité, à destination du médecin réputé célibataire. Des cloisons amovibles peuvent cependant être tirées. Le dernier étage se compose d'un second appartement, sans doute prévu pour les invités et d'une chambre de bonne. Il est agrandi et agrémenté d'une terrasse en 1955 après un changement de propriétaire. La dichotomie spatiale se ressent également en façade. Si, à l'arrière, la composition est orthogonale et les murs homogènes, de l'autre côté, elle est animée par la courbe. Des baies bombées invitent à entrer. Le traitement en carreaux de faïence des deux niveaux bas, les menuiseries métalliques et les garde-corps à la façon d'un bastingage, sont une invitation au voyage en plein Pays noir. La maison Dotremont à Uccle, de Louis Herman De Koninck, réalisée en 1932 et usant du même dispositif d'entrée, en est une inspiration certaine. L'attirance pour l'architecte français Robert Mallet-Stevens et les artisans d'un modernisme précieux est également décelable. Ultime facette de ce bijou, Leborgne a dessiné l'intégralité du mobilier, aujourd'hui disparu : chaises, tables, fauteuils, bureaux et divans. 

Thomas Moor

Sources
Jean-François Kremer, Une analyse critique de la démarche de Marcel Leborgne, Bruxelles, ISACF La Cambre, 1988
Cécile Hancart, À Charleroi, Marcel Leborgne, Charleroi, Espace environnement, 1990
Fonds Marcel Leborgne, Archives Espace environnement, Charleroi.
Pierre-Louis Flouquet, «Habitation pour un médecin, à Charleroi» dans Bâtir, n° 76, Bruxelles, mars, 1939, p.106-107.
Anne-Catherine Bioul, «Marcel Leborgne ou le choix de la modernité "humaine"» dans Les Cahiers de l'Urbanisme, n° 73, septembre, 2009, p.81-85.