« Comme les portes de ses maisons, Charles Dumont cherche à percer la zone obscure pour conduire l'occupant de l'immeuble – son client, son ami, son double – vers l'intérieur qui est un éclatement de lumière », écrit l'architecte Albert Bontridder. « Des espaces surbaissés – angoisses premières –, il guide les pas de l'habitant vers la salle haute, vers le soulagement des plafonds fuyants, vers l'effacement de la mesure restrictive. Il plie et brise les murs, qui limitent et enferment, pour préparer les ouvertures qui transfigurent l'abri en un lieu d'accueil et de libération. Il mène la ligne de rencontre des parois avec les plafonds et les sols en un tracé ininterrompu et souple, parfois tendu à l'extrême, de telle manière que les points de départ et de chute se trouvent toujours hors du champ de la vision. Il introduit le symbolisme des couleurs, les rouges qui appartiennent à la terre et aux violences, les bleus et les blancs qui sont des efforts d'équilibre, les jaunes et les ors affirmant les pouvoirs d'abstraction et de transfiguration solaire.
Ainsi, le plan de la maison se développe suivant une spirale qui monte de la matérialité des lieux consacrés à la satisfaction des besoins physiques et communautaires – cuisine, repas, conversation, étude, repos – vers un lieu de recueillement, de méditation et de passage vers l'indicible. » La maison que s'est construite l'architecte est peut-être parmi toutes ses habitations celle qui réalise le mieux ce passage de l'obscur à la lumière. Dans le mur du flanc du carport, creusé, la porte opaque donne accès à un petit hall dont la seule lumière vient du haut de l'escalier, invitation à monter, et dont le sol deviendra celui du séjour.
Complétant les menuiseries, de profonds ébrasements cimentés et peints de blanc accompagnent la vue et prolongent l'intérieur au dehors. Le jardin est tout à la fois organique et géométrique, agrémenté de deux plans d'eau : l'un, étang ovale, participe au romantique du végétal omniprésent ; l'autre, long bassin surélevé, structure un axe oblique qui cristallise la salle à manger et dont la trajectoire se prolonge au-delà, vers la roseraie, parachevant la symbiose entre dedans et dehors qui dilate le sentiment d'espace et la conscience d'habiter.
Alain Richard
Sources |
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Alain Richard, Charles Dumont : L'esprit d'un architecte, Bruxelles, Prisme Editions, p.42-49; 137. |
M. Burton, «Une maison d'architecte» dans Libelle-Rosita, n° 22, mai, 1980, p.46-52. |
Albert Bontridder, «L'être de la maison» dans A+, n° 40, juillet-août, 1977, p.40-43. |